Oeil de Lynx

27/04/2013 10:12

 

La maison est de taille moyenne, ni très grande, ni très petite. Quand on entre, on arrive dans un petit couloir. Tout de suite à droite, une chambre. Il y a au pied du lit deux places un tapis, sur la gauche quelques bibliothèques remplies de livres et d’objets curieux. Sur la droite, une fenêtre. Sous la télévision, placée contre le mur de la porte, dans le meuble qui la supporte sont rangés plusieurs dizaines de DVD. En face de cette pièce se trouve la cuisine et son carrelage blanc. Sur le mur opposé à la porte se trouve un évier, un espace de travail, une cafetière, un réfrigérateur, un lave-vaisselle, un micro-ondes et de nombreux tiroirs. A droite a été mis un meuble aux nombreuses cases dans lesquelles sont rangées des outils ainsi que quelques denrées.

Si on poursuit le couloir tout droit, on arrive dans le salon-salle-à-manger. Cette dernière possède un lustre, une table autour de laquelle sont disposés six fauteuils en rotin, et un vaisselier, dans le coin. Le salon, lui, comprend un canapé angulaire blanc, une table basse et une vitrine d’exposition.

Si, au lieu d’entrer dans le salon-salle-à-manger, on avait emprunté le virage vers la droite proposé par le couloir, on serait passé devant le placard à chaussures, puis la porte menant à la cave et plusieurs étagères dissimulées par un rideau d’un épais velours rouge. On se serait alors trouvé devant la porte jaune à la poignée noire qui reste toujours close. Ici, la chambre dorée est verte. Si on y passe un bon jour, on pourra feuilleter le journal tranquillement ou sentir la délicieuse odeur d’un bâton de cannelle, sans oublier, avant de sortir, de brûler à l’aide du briquet une feuille de papier d'Arménie. En ressortant, deux choix. Si l’on prend à droite, le bureau et l’escalier menant à un dressing et à deux chambres et si l’on se dirige à gauche, la salle-de-bains. En entrant, à gauche, on est surpris par les portes transparentes de la douche avant d’atteindre les deux vasques pour se laver les mains. Mieux vaut avant d’entrer se munir de chaussons, si l’on ne veut pas avoir les pieds écorchés par le sol de ficelles tressées.

 

Les quatre occupants sont partis en vacances, dans leur résidence secondaire, dans le sud-ouest de la France. Ils auraient pu être les seuls témoins de ce qui s’est passé. Et encore,  il aurait fallu qu’ils aient un sens de l’observation extrêmement développé.

Le sept août deux-mille-neuf, à seize heures, dix-sept minutes et onze secondes, six événements importants se sont produits.

Dans la chambre, la télévision a émis un bip sonore.

Dans la cuisine, une poussière a basculé du haut du réfrigérateur vers le sol.

Dans la salle-à-manger, un des rotins d’un des fauteuils a craqué.

Dans le salon, un des boutons du canapé a légèrement tourné.

Dans le petit endroit, une feuille de papier d'Arménie s’est soulevée de quelques millimètres.

Dans la salle-de-bains, enfin, une goutte d’eau qui perlait de la pomme de douche depuis sa dernière utilisation a terminé de s’évaporer.

 

Les habitants de la maison ne sauront jamais tout cela. Et d’ailleurs, personne ne le saura jamais. Personne ne saura jamais les petits faits qui sont arrivés à la maison pendant les vacances. Et pourtant, ils sont de la plus haute importance. Ce qui est souvent bizarre dans tout cela, c’est que, quand on est chez soi, ils arrivent inévitablement, mais de manière isolée, chacun leur tour. Mais quand on est parti, c’est comme si cela faisait l’effet de les accorder et ils se passent tous en même temps. Les rares personnes qui connaissent leur existence les appellent des Pasia.

 

 

 

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